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Denis Brun fait des Collages

Denis Brun fait des collages et des assemblages.

Il fabrique aussi des “peintures molles”, recouvertes de plastique transparent maintenant sous sa peau des tickets, des flyers, des petits souvenirs du quotidien. Denis Brun coud et colle ensemble des pièces de tissu et de scotchbrillant qui font des robes pour les hommes et pour les femmes.

Il écrit des nouvelles et prend des photographies. Il sample et compose de la
musique sur ordinateur. Il fait aussi des vidéos.

L'artiste ne pose pas de hiérarchie entre ces pratiques. “Chacune procure, dit-il, sa façon propre d'appréhender la réalité, chacune apporte sa souffrance spécifique.”

Malgré cette égalité annoncée, la vidéo paraît posséder un statut particulier, peut-être parce qu'elle est “un médium non encore sclérosé”.

L'ensemble intitulé Le plus court chemin de la girouette au satellite donne ainsi peut-être le meilleur éclairage sur les exigences rigoureuses qui fondent l'appareil en puzzle du travail de l'artiste.

Représentative de trois étapes successives, cette réunion de vidéos démontre aussi que ce médium se prête au mieux à l'investigation du champ privilégié de Denis Brun : la zone d'interférences entre le moi et l'imaginaire collectif – entre le film que je me raconte dans ma tête et ce que je reçois consciemment et involontairement du monde extérieur.

Au départ, l'artiste s'est donné des règles très strictes de façon à protéger son champ d'exploration des débordements du “moi”.

La première vidéo, My Lost Paradise a pour modèle le haïku : temps très court et rencontre de sons et d'images provenant de sources distinctes.
Autre contrainte : les sources sont “ready-made”, et l'image traitée en “low-fi” : elle perd par réenregistrement pauvre, noir et blanc, toute immédiateté au profit d'impressions mémorielles.


Un effet stroboscopique est réalisé par l'excès de présence de la structure du récit, laquelle se substitue à l'histoire qu'elle annonce.

Ici cet effet coupe tout fil narratif, mais non la sensation d'une narration ; de même les sources ready-made n'effacent nullement le sentiment qu'une subjectivité est à l'oeuvre (et qui rêve de l'étonnante liberté des skaters) : un “je” se construit de ces informations qui lui arrivent comme des coups.

Les vidéos suivantes gardent la plupart de ces principes mais s'ouvrent progressivement à une temporalité plus souple permettant le déploiement de fonctionnements narratifs : car ce sont bien les ressorts de la narration qui se dessinent dans leur diversité, et non la linéarité d'histoires causales.

Freestyle Mental 99 et Petite mutinerie du printemps occupent la durée d'une musique connue (de James Brown, de Kraftwerk), avec le condensé d'émotions personnelles et collectives que leur popularité transporte.

A l'inverse de la fabrication promotionnelle du clip, qui doit renforcer l'aura du groupe ou du chanteur, leurs images sont choisies dans l'ordre des faits “objectifs” : information télévisuelle, documentaire scientifique.


Ainsi qu'on les retrouve dans la vidéo suivante, Doppelgänger, ces images, déphasées de leur commentaire, réinvesties de sonorités chargées d'émotions, s'appellent entre elles pour esquisser des narrations qui s'évanouissent ou se heurtent.

Celles-ci n'opèrent aucune hiérarchie entre étonnement, sentiment de perte ou de vitesse, ouragan, connaissance, nuée ardente, tempo de Kraftwerk, voix sexy de James Brown, répétition ludique d'une leçon.

Sous les images scientifiques s'édifie une vision artistique, un monde de catastrophes et de fantasmagories qui interroge la place de l'homme dans le vivant microscopique, et dans le macrocosme planétaire.


Doppelgänger et The And, plus amples que les vidéos précédentes, greffent des compositions musicales et des images personnelles sur des extraits télévisuels ou filmiques à la façon de cadavres exquis.
Des textes s'insèrent, et la couleur elle-même, tels les news ou la pub à la surface d'une perception flottante, suggérant du sens pour mieux en retirer la raison.


Ouvertes à un entre-deux de la conscience et du fantasme, ces vidéos n'en contiennent pas moins une mise à distance lucide et humoristique. Ainsi la soucoupe volante venue comme ponctionner des éléments terrestres apparaît-elle une métaphore plaisante de l'observation scientifique.

Dans The And, cette observation est l'oeil insistant de Robert Smith, si animal derrière sa crinière, mais si humain, avec son savoir de l'artifice (le maquillage).
Quant à la femme qui se meut dans son sommeil orageux, elle se fait l'écran permettant de visualiser la météorologie du mental humain, et peut-être, une figure de la vidéo elle-même, à la fois productrice de fantasmes et support de projections.


D'une certaine manière, les vidéos de Denis Brun actualisent la quête surréaliste dans ces narrations syncopées, feuilletées, morcelées, qui entremêlent l'imaginaire de la science à la science-fiction, au
skate et au punk.


Sylvie Coëllier
in Prêts à prêter : acquisitions
et rapport d’activités 2000/2004
coédition Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur,
Isthme Éditions, 20005

 

Denis Brun creates collage and assemblage.

He also makes “soft paintings”, covered in skins of transparent plastic under which are secured tickets, flyers and little souvenirs of daily life.

Denis Brun sews and sticks together pieces of cloth and shiny sticky tape which turn into dresses for men and women.
He writes short stories and takes photos. He samples and composes music on computers. He also makes videos.

For the artist, there is no hierarchy in all these approaches. He says that “each one gives in its own way a means of apprehending reality, each one brings its own specific torment.”

In spite of this declared equality, the video seems to hold a particular place, perhaps because it is “a medium which has not yet been ossified.”
The series entitled ‘The shortest path from the weather vane to the satellite’, throws perhaps the best light on the rigorous exactingness on which the artist’s system of interlocking pieces is based.


Representative of three successive stages, this group of videos also shows that the medium is ideally suited for the exploration of a field that Denis Brun favours: the zone of interaction between the self and the collective imagination – between the film that I play in my head and the events which I consciously and unwittingly absorb from the outside world.

To start with, the artist has set himself strict rules in order to protect his field of exploration from the excesses of “the self”.

The first video, ‘My Lost Paradise’, has the haiku as its model: a very short time span, and an encounter of sounds and images coming from different sources.

Another constraint: the sources are ready-made, and the image is treated in low-fi: with a thin re-recording in black and white the video loses all immediacy in favour of recollective impressions.

A stroboscopic effect is created by the over-presence of the structure of the narrative, which takes the place of the story it announces.

Here, this device cuts any narrative thread, but not the sensation of a narrative ; in the same way, the ready-made  sources in no way erase the feeling that a
certain subjectivity is at work (a subjectivity which dreams of the skaters amazing liberty): An “I” is constructed from this information, information which it receives as so many blows.

The following sequence of videos retains most of these principles but progressively opens up to a more supple temporality, enabling the deployment of narrative functions : because it is indeed the workings of the narration that emerge in their full diversity , and not the linearity of causal stories.

Freestyle Mental 99 and “Petite Mutinerie du Printemps” last for the duration of pieces of well known music (by James Brown, by Kraftwerk), with the whole gamut of personal and collective emotions that their popularity carries.

Contrary to the promotional production of a musical clip which must reinforce the aura of a group or singer, the images of the two videos have been chosen with “objective” occurrences in mind: television news, scientific documentaries.

As we can also see in the next video ‘Doppelganger’, these images, disconnected from their commentary, reinvested with emotionally charged sonority, call out to each other and outline narrations that fade away or collide together.

These images do not in any way create a hierarchy between surprise, feelings of loss or speed, hurricanes, knowledge, fiery clouds, the tempo of Kraftwerk, the sexy voice of James Brown, or the playful rehearsal of a lesson.

Behind the scientific images, an artistic vision develops a world of catastrophes and phantasmagoria which questions the role of man in a microscopic existence, and in a planetary macrocosm.

Both ‘Doppelganger ‘and ‘The And’, are more ample than the precedent videos, and graft musical compositions and personal images onto television or film extracts in the manner of cadavres exquis.

Texts are fitted in, as is colour itself, rather like the news or ads on the surface of an uncertain awareness, suggesting a sense in order to gain reason.
Opening onto an interspace between conscience and fantasy, these videos nevertheless contain lucid and humorous distancing.

For example the flying saucer which has come as if to puncture terrestrial elements, appears to be an amusing metaphor of scientific observation.

In ‘The And’; this observation takes the form of Robert Smith’s insisting eye, a Robert Smith who is so animal behind his mane , but so human with his art of stratagems ( make-up).

As for thewoman who moves in an unsettled sleep, she becomes the screen on which the meteorology of the human mind can be visualised, and also perhaps a figure of the video itself, both a producer of fantasies and a support for the projections.

In a certain manner, Denis Brun’s videos update the surrealist quest in their syncopated, layered, broken-up narrations, which intermingle the maginary, from science to science-fiction, from skate to punk.

Sylvie Coellier


In Prêts à Prêter: Acquisitions
and activity report 2000/2004
coédition Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur,
Isthme Éditions, 2005

 

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